Manifeste de la fabrique des mobilités

La Fabrique des Mobilités est une association qui fédère des acteurs qui ne se connaissent pas, afin de construire ensemble des solutions concrètes répondant aux enjeux de la transition écologique et sociale. L'association, qui travaille plus spécifiquement autour de de la mobilité, fait partie d'un réseau de fabriques thématiques.

Notre constat

La mobilité est le seul secteur dont les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté par rapport au niveau de 1990, contrairement au bâtiment, à l’agriculture, ou encore à l’industrie. La tendance ne s’est pas inversée depuis les confinements liés au Covid : les émissions ont montré une reprise estimée à +11% entre 2020 et 2021¹ puis +7% entre 2021 et 2022². C’est également (et en partie en conséquence) le premier poste d’émissions de GES en France, à hauteur d’environ 30%³. Au niveau individuel, le transport représente aussi 1/3 des 9,9 tonnes d'émissions CO2 moyennes par individu en France.

La voiture individuelle à elle seule constitue 80% des émissions liées au transport et 20% du total (le 2e poste d'émissions, la viande, représente 9% du total). De fait, la voiture individuelle domine largement les modes de déplacement français, représentant 65% des déplacements et 50% des déplacements inférieurs à 3 km dans les agglomérations. Appuyé sur un des maillages routiers les plus étendus d’Europe (+1 million de kms) et un développement urbain pensé autour de la voiture, cette dépendance à la voiture est à l’origine de nombreuses externalités négatives : pollutions (53% des émissions d’oxydes d’azote et 15% des particules fines viennent du transport routier ainsi que des pollutions à l'arsenic, au cadmium, au nickel, au plomb), accidents, congestion, bruit, encombrement, santé… De plus, l'accélération permise par l'automobile a considérablement allongé les distances parcourues. Entre 1960 et 2017, le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs en France a été multiplié par 4,7, du fait de l'augmentation de la vitesse permise notamment par la voiture.

Face à ces constats, la Fabrique des Mobilités s’inscrit non seulement dans la transition écologique et sociale et la décarbonation des mobilités, mais aussi plus largement dans une transition des mobilités. Nous cherchons à réduire l’ensemble de ces externalités négatives de nos mobilités, pour améliorer notre santé et notre bien-être dans l’espace public.

Nos convictions

Une façon simple de considérer l’ensemble des leviers nécessaires pour réduire les émissions et les externalités négatives du transport est le triptyque d’action « éviter / reporter / améliorer » repris par de nombreux travaux dont l’ONU, l’Ademe, le Shift Project et bien d’autres : Réduction des déplacements (levier 1), Report modal vers des modes actifs, collectifs ou partagés (levier 2), et Amélioration de l’efficacité des véhicules (levier 3).

A travers nos projets, nous agissons simultanément sur ces 3 leviers, afin de favoriser une diversité d’innovations possibles. Notre horizon reste cependant la réduction du volume des déplacements, et le changement de paradigme qu’elle implique. Sans cet horizon, nous ne pourrons ni atteindre le niveau suffisant de réduction des émissions de GES, ni tirer parti de modes de vie atteignables, plus sereins et plus justes.

  • Nous sommes convaincus que la transition des mobilités passera d'abord par davantage de frugalité et de sobriété dans nos déplacements. Nous ne pourrons sortir de l'hypermobilité qui caractérise notre époque que par une réduction des distances parcourues (levier 1 : éviter). Notamment, la grande majorité des kilomètres parcourus (84%) se fait sur les trajets domicile-travail de plus de 10km aller¹⁰. Souvent subis plus que choisis, ces trajets automobiles quotidiens longs concernent aussi davantage les zones péri-urbaines et moins denses, moins aisées que les centres-villes, ce qui souligne une inégalité territoriale importante concernant la santé, le coût et les émissions de GES. Pour faire face à cette hypermobilité subie, nous souhaitons interroger les déterminants structurels de nos déplacements : aménagement du territoire, urbanisme, habitat, travail et télétravail, loisirs, tourisme et santé, mais aussi nos modes de vie dans leur ensemble, afin de trouver des solutions vers plus de proximité et de sérénité au quotidien. Car dans la mobilité tout particulièrement, les choix de déplacement sont conditionnés par la structure et l'infrastructure de notre environnement, sur laquelle nos pouvoirs publics peuvent agir. Cet axe fort de notre engagement se double d'un questionnement constant des modèles mentaux qui motivent nos actions : nos représentations, nos habitudes, nos imaginaires de mobilités et plus largement de liberté et de progrès, nos rapports au temps et à l’espace.

  • Concernant le report modal (levier 2 : reporter), nous croyons que l’enjeu est surtout de proposer à chacun.e une solution qui lui convient, au bon moment et au bon endroit. Cela passe par une forte diversité des offres, par des moyens d’accès eux aussi diversifiés, et par une excellente information voyageur, notamment à travers une numérisation adaptée et juste. Les liaisons entre les modes (l’intermodalité) doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière. Là aussi, tout ceci ne pourra se faire que dans une vision ensemblière non seulement des différents modes de mobilités, mais des infrastructures au sens large, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, afin d’élaborer des villes et villages qui garantissent la coexistence des modes et des voyageurs.

  • Enfin (levier 3 : améliorer), nous sommes convaincus qu’un levier clé de la transition des mobilités réside dans l’allègement du poids des véhicules et l’allongement de leur durée de vie. Travailler de concert avec constructeurs, usagers, collectivités et législateurs pour stopper l’envolée du poids de nos voitures (+50 % depuis les années 1960¹¹) et pour les rendre plus réparables est une première réponse. Une deuxième solution est d’innover dans les types de véhicules et les modes d’usage, comme cela a été le cas chez les vélos (vélo en location courte durée, puis vélo électrique, vélo en location longue durée, vélo-cargo…). Redorer la filière française du vélo, créer la filière européenne du véhicule intermédiaire¹², réorienter la filière automobile vers la réparabilité et le partage, sont des ambitions porteuses de réduction des externalités négatives, de créations d’emplois et d’usages plus adaptés.

Nous sommes aussi convaincus que la mobilité est avant tout une affaire locale, portée à plusieurs échelles, par les AOM et les communes. Or les collectivités, chevilles ouvrières de la transition écologique, opèrent dans un contexte où les moyens sont de plus en plus réduits. Il nous paraît essentiel d'aider à l'innovation localement, de relier les territoires entre eux, et de faire le lien avec l'échelon national, que ce soit l'Etat lui-même (Ministère des Transports, agences nationales) ou avec le tissu associatif et entrepreneurial national.

Nos actions

Nous ne trouverons des solutions pertinentes et adaptées à ces défis que si l’ensemble des parties prenantes (acteurs publics et privés, associations, citoyen.ne.s) coopèrent à leur construction dans l’intérêt général et l’intérêt collectif de la filière. C’est pourquoi nous menons 3 types d'activités : communs, coopération et réflexivité.

  1. Nous initions, accompagnons, et co-portons des communs dans la mobilité, comme l'indique notre objet social au sein de nos statuts. Un commun est une ressource physique ou numérique (espace, machine, usine, document, logiciel, base de données...) utilisée différemment par plusieurs acteurs hétérogènes (territoires, citoyens, entreprises...), qui ont un intérêt partagé à la perpétuer et la développer, et qui le font grâce à des règles communes. C'est un support d’apprentissage et d’acculturation à une logique de faire-ensemble pour le bénéfice de tous. Le but est d’apporter une réponse concrète et locale à des défis existants, tout en permettant aux parties prenantes de se fédérer autour de leur gestion.

Auprès des communs, nous intervenons principalement à 2 niveaux :

  • Accompagnement et conseils : suivi individuel ou collectif, participation à des comités de pilotage, appui et relais, documentation...
  • Participation opérationnelle : portage (rôle d'opérateur), développement numérique (rôle de contributeur technique), animation de communauté & ouverture à l'écosystème (rôle de contributeur projet)

Quelques exemples de communs que nous avons impulsés à travers nos communautés : Registre de preuve du covoiturage, Mon Compte Mobilité, Tracemob...

Quelques exemples de communs que nous accompagnons : Diagnostic Mobilité, Coloc'Auto...

Voir aussi le centre de documentation des 10 communs numériques essentiels pour la mobilité

  1. Nous animons des dynamiques de coopération entre acteurs très hétérogènes de la mobilité, autour de thématiques émergentes ou novatrices. Ces coopérations sont souvent le préalable nécessaire à la production de communs concrets. Nous réunissons acteurs publics, privés, experts, associations, universités, etc., à court terme ou à long terme, avec une spécificité : l'ancrage dans des projets concrets. Ainsi nos propres expériences viennent nourrir les communautés que nous réunissons, et ces communautés sont amenées à travailler sur des problèmes partagés. Ces coopérations peuvent prendre différentes formes :
    • Portage d'expérimentations : organisation opérationnelle de tests multi-acteurs de solutions de mobilité durable, avec retours d'expérience
      • Voir par exemple la location de véhicules légers dans des territoires ruraux
    • Explorations de thématiques nouvelles : recherches préliminaires, entretiens avec l'écosystème, partage de connaissances inédites
    • Animation de communautés thématiques dans la mobilité : nombreux échanges bilatéraux, animation ou participation à des groupes de travail, événements, ateliers collectifs...

Voir aussi notre réseau de partenaires et d'adhérents

  1. Nous produisons des connaissances en accès libre selon nos statuts, en ouverture avec notre écosystème, et de la manière la plus appliquée possible aux problématiques rencontrées sur le terrain. L'aller-retour constant entre expérimentations concrètes et réflexivité théorique nous paraît essentiel pour éviter de réinventer la roue, de reproduire des erreurs déjà faites, et de rester bloqués dans des habitudes ancrées. En pratique nous produisons :
    • Des études portant un regard nouveau ou décalé sur des sujets clés de la mobilité, en lien avec les communautés que nous animons : notre liste de publications
    • Des articles : voir notre blog ou autres publications ailleurs
    • De nombreux webinaires et conférences
    • De la documentation sur notre wiki

Notre modèle de gouvernance garantit notre indépendance, servi par un statut associatif, un conseil d’administration diversifié et des financements variés. Nos statuts garantissent notre raison d'être (la production de communs) ainsi que l'ouverture en accès libre de toutes nos réalisations et publications.

Nos projets s'inscrivent dans le cadre d'une feuille de route accessible sur notre site, co-construite et validée avec le conseil d'administration, qui oriente et articule nos activités autour de thématiques de la mobilité que nous considérons comme prioritaires.

Nos atouts

Nous sommes fiers du chemin parcouru depuis 2015 (origine de sa création), et des savoir-faire et savoir-être que nous avons construits au fil de nos expériences, nos échecs et nos réussites. Les points forts suivants sont issus de ce que nous avons pu entendre comme retours de nos partenaires.

  • Nous ne sommes pas politiques, mais nous avons des convictions : nous ne nous plaçons pas en opposition, mais en ouverture, avec une capacité démontrée à amener de nouveaux angles, adopter un regard différent, défier les idées reçues, et être force de proposition.
  • Nos convictions ne sont pas militantes, mais fondées sur l'action. C'est de nos expériences de terrain que naissent nos avis, nos envies et nos collaborations. La prise de recul et la réflexion nous aident à faire sens de nos actions.
  • Nous savons mettre autour de la table des acteurs hétérogènes, qui ne se côtoient pas toujours, pour les faire converger vers un intérêt commun et créer un maillage solide. Nous savons tisser et retisser des liens forts avec nos partenaires.
  • Nous bénéficions d'une expertise reconnue dans nos thématiques de prédilection dans la mobilité (voir notre feuille de route).

Ainsi, nous avons des convictions tout en étant indépendants du politique et partageons, avec notre écosystème, l’objectif d’impulser une mobilité pour l’intérêt général et collectif.