Par Alex Bourreaule September 12, 2024 - contribuer
Tracemob, notre projet d'application mobile permettant aux citoyens de mesurer l'impact de leurs déplacements, a franchi depuis quelques mois une nouvelle étape, grâce à son intégration à la technologie open source de CozyCloud (CoachCO2). Cette intégration technique nous a permis de retirer l'application Tracemob des stores de Google et Apple, et de concentrer nos actions d'association sur des travaux plus communautaires. Nous présentons ici les apprentissages issus d'un cycle de travail sur l'usage possible par une collectivité territoriale des données générés par des applications comme Tracemob.
Dans notre définition, une trace de mobilité représente un ensemble d'information caractérisant le déplacement d'une personne. En son cœur, elle est composée d'une série de coordonnées GNSS (communément appelée GPS): latitude, longitude, altitude. Ces dernières sont souvent marquées d'un horodatage précisant dates et heures associées à chaque position.
Ces informations cœur sont généralement complétées, de manière automatique ou manuelle, du mode de transport utilisé et, plus rarement, de la raison du déplacement et d'informations sur l'utilisateur.
Elles peuvent aussi être grandement simplifiées en fonction des cas d'usage. Par exemple en ne considérant que les point de départ et d'arrivée approximatifs. Une information suffisante pour reconstruire de manière synthétique l'ensemble des trajets via des modèles de transport.
Historiquement, des objets spécialisés étaient conçus pour récolter ce type de données, mais de nos jours, tous les smartphones en ont la capacité. Et avec cette démocratisation, l'acte de récolte volontaire est aussi, malheureusement, devenu involontaire pour une majorité des utilisateurs, au profit des grands constructeurs (Apple, Google) qui tirent profit de ce nouveau vivier de données personnelles.
En redonnant le contrôle aux utilisateurs sur ces informations, nous percevons une opportunité de participation citoyenne. La récolte de traces est alors un outil comme un autre, qui peut aussi être utilisée pour une cause plus noble, comme l'aménagement des territoires pour une mobilité plus verte et respectueuse de ses usagers.
La problématique réside donc dans la conversion d'un ensemble d'informations techniques en un outil utilisable par une collectivité territoriale. Et ce, en respectant les règles autour des données personnelles et en priorisant la transparence pour les usagers.
Inspiré des indicateurs de mobilité habituellement extraits d'enquêtes standardisées, nous présentons 8 finalités d'usages de ces données, les indicateurs associés, des exemples de visualisation, et l'intérêt perçu par une collectivité partenaire.
Même s'ils n'ont pas tous été implémentés, l'ensemble des indicateurs présentés ont été prototypés sur des traces de mobilités réelles. Ces propositions ont donc un fondement réaliste.
Par exemple: x% des trajets domicile/travail sont réalisés à vélo. (Combiné avec la première finalité)
Ou encore: x% des trajets sont des courses. Un nombre faible peut indiquer une offre de commerce de proximité insuffisante, à corréler avec la distance moyenne d’un trajet de courses. (Combiné avec la première finalité)
Nous nous rapprochons de l’exhaustivité des données des enquêtes ménage-déplacement, et donc de leurs indicateurs habituels
Un cas d'usage intéressant, par exemple, est d'observer si un changement de sens d'une rue déplace les lieux où les gens se garent pour déposer leurs enfants à l'école ou faire une course. Résultant en une saturation inattendue d'un axe (congestion, double fille, pollutions air et sonore)
Dans l'ensemble, pour les territoires, tout indicateur a son utilité, mais la fiabilité est un point essentiel, il vaut mieux ne pas avoir d'indicateur qu'un indicateur imprécis.
Pour aider dans cette précision, il a du sens d'engager plus activement les participants à remplir et à corriger leurs modes de transports et motifs de déplacement.
Cet engagement va de pair avec le public ciblé, généralement plus engagé sur les mobilités douces, et très distinct du public habituellement en contact avec les collectivités.
L'intérêt de l'outil est alors de donner une voix à ce public ciblé, qui bénéficie positivement des améliorations sur le plan de circulation. Cette voix, via les données, vient équilibrer les retours négatifs d'une potentielle minorité vocale. Il permet de créer un panorama plus objectif des impacts sur la mobilité. À date, ce type de données n'est pas récolté.
La valeur se situe donc dans cet enrichissement d'un ensemble de retours jusqu'ici biaisés. Elle ne situe pas dans un gain de temps potentiel dans le travail quotient des agents, mais bien dans la confirmation de la qualité de ce travail.
Ce type d'article introductif sert deux publics. D'un côté, les collectivités découvrent une autre option pour observer la mobilité sur leurs territoires. De l'autre, les concepteurs d'applications comprennent les besoins de ces dernières et peuvent adapter leurs services.
Dans les deux cas, même si nous l'illustrons avec le projet Tracemob, nous sommes convaincus que l'émergence de solutions de qualité basées sur des traces pour une mobilité décarbonée ne se fera pas avec un seul acteur. C'est dans cette optique que nous partageons ici nos apprentissages, et que nous continuerons de les partager suite à nos expérimentations prenant place sur quelques territoires cette année (Alpes-Maritimes, Noisy-le-Grand, Centre Val de Loire)
C'est aussi dans cette optique que nous favorisons la mise en place d'infrastructures communes à ces acteurs. C'était l'objet de notre proposition de programme CEE "Boussole", une plateforme facilitant le partage de traces de mobilité aux collectivités, malheureusement non retenue. Et c'est l'objectif de notre programme "Connaissance des Mobilité" visant à encourager acteurs de la mobilité numérique et citoyens à partager, de manière anonyme, des statistiques régulières sur la mobilité française.