
Par Alex Bourreauen May 2025 - contribuer
Les 19 et 20 mai 2025 ont eu lieu les rencontres de la modélisation des déplacements, organisés par le Cerema. Cet article reprend nos constats principaux sur ce qui s'est dit en dehors des slides.
Cette 3ᵉ édition des RMD affichait une volonté d'ouverture vers les nouveaux contextes (SERM, Voies réservées, nouveaux modes) et les nouvelles technologies (GPS, SDK, FCD, IA).
Toutefois, les cas d'usages présentés restant sur une utilisation des modèles pour le dimensionnement d'infrastructures, ces nouveautés peinent à trouver place face à l'usage habituel des grands modèles statiques à 4 étapes.
Les SERM sont typiquement dans l’angle mort entre les approches classiques par leur aspect multimodal et multiterritorial. On leur trouve alors de bons résultats par l'usage d'enquête de préférence déclarée, en particulier dans la formulation du choix modal. (Partage de SNCF Réseau et du bureau d'étude Stratec).

Le LAET nous invite aussi à s'intéresser aux modèles multi-agents, qui trouvent place autour des nouveaux modes, ou les choix individuels ont grande importance.
C'est le cas des nouvelles sources, avec par exemple Citec à Reims qui rencontrent des difficultés à faire correspondre matrices origines-destination issues de GPS avec les réponses d'enquêtes (EMC²). Un constat similaire est partagé par le LAET, qui publie bientôt un papier sur l'usage des données dites "SDK" (applications mobiles).
C'est aussi le cas des sources plus standardisées et onéreuses. Le CGDD peine par exemple à utiliser les données de l'EMP 2019, IDFM se questionne sur ses enquêtes pre et post-covid (5 millions d'€) et d'autres territoires partagent l'obsolescence accélérée de ces dernières.

Sur les nouvelles sources, les intervenants partagent un manque de normalisation, un sujet important de gouvernance et de transparence.
Enfin, les territoires indiquent que le défi n'est pas (ou plus) un manque de données, mais plutôt un manque de qualité et de comparabilité.
À Nantes métropole, le budget fixe la problématique: 2 milliards de budget total, 1 milliard dédié à la mobilité, 900 millions sur les transports collectifs. Il est alors vital que les nouveaux modes n'empiètent pas sur ces investissements en transport. La question n'est pas toujours vélo contre voiture.

Un constat partagé à Strasbourg sur les ressources humaines des collectivités: chaque jour passé sur le vélo ou la marche, est un jour de moins sur les transports collectifs.

Contrairement aux éditions précédentes, et peut-être attribuable au contexte budgétaire, cette thématique de crédibilisation des modèles face aux élus est le sujet qui est le plus souvent revenu dans les échanges.
Ecov, le Cerema et d'autres nous partagent que l'échange avec les décideurs est clé. Dans leurs yeux, les modèles sont actuellement perçus comme des boites noires, mal maitrisées, provoquant peur et méfiance et limitant la réutilisation. Des limites qui freinent les investissements futurs, dans un cercle vicieux.
L'outil est pour autant un excellent support de travail pour penser les aménagements futurs entre techniciens et élus, comme nous le redit l'Agence alpine des territoires (déjà intervenue à ce sujet il y a deux ans). Cela sous condition que l'avis des experts soit prévalent, pas "l'avis du modèle" (une ineptie), l'outil ne doit pas prendre la place du débat.
Des travaux sont alors essentiels sur la présentation des résultats de modélisation, en transparence, mais pas trop, pour éviter de desservir le modèle. L'Agence alpine des territoires, épaulée par IDFM pose le constat: on ne prend pas assez de temps sur la beauté et efficacité des redus finaux, les visuels (cartes..) doivent être attractifs ! En effet, dans l'aide à la décision, le résultat final est primordial, la vulgarisation / simplification est donc essentielle.
Une dualité existe ainsi dans ce monde de la modélisation: les cas opérationnels sont en recherche de simplification, alors que le secteur de la recherche travaille la précision, des optiques différentes qui font aussi la richesse de ces rencontres.
Peut-être que ce défi de confiance trouvera des solutions dans l'évaluation après-coup des estimations de modèles. Mais en pratique, ce travail est rarement financé. Il est aussi techniquement complexe, faute d'un manque d'historisation des données, typiquement sur l'offre de transport. Peut-être qu'un commun FabMob d'historisation des jeux standardisés (GTFS) se dessine pour y répondre ?
De notre côté (Fabrique des Mobilités) nous continuons de croire dans la valeur de ces outils et travaillons activement sur ces défis de vulgarisation.
À la croisée des chemins entre les mondes de la recherche et de l'opérationnel, nous tenions par exemple un stand pour y présenter le commun de modélisation open source Aequilibrae.
Nous travaillons aussi en ce moment à la publication d'un état des lieux présentant les initiatives ouvertes de modélisation, avec des détails sur les plus pertinents d'entre eux.
Enfin, nous questionnons l'intérêt d'une communauté pour le partage de bonnes pratiques de communication autour des modèles. En particulier auprès d'un public plus large, éventuellement plus rural, peu habitués de ces cercles techniques assez restreints.
Si l'une de ces thématiques vous tente, n'hésitez pas à nous contacter.
(Une prise de note plus complète de la journée, avec transcript des tables rondes, est disponible sur demande pour nos adhérents intéressés)