Par Gabriel Plassaten March 2020 - contribuer
Le Covid-19 questionne le quotidien, les proximités, la résilience des personnes, des ménages, des quartiers, des communes, des pays, de l’Europe, de notre planète. Il remet en question, révèle les faiblesses de nos organisations sociales, de nos normes sociales, de nos temporalités et nos habitudes. Pour la première fois en dehors d’un conflit, le virus synchronise l’humanité à un niveau inégalé dans la durée, en nombre de personne impliqué, sur toutes les classes sociales, sur un même défi. A la différence des précédents virus, la réflexivité, les modes de communication et les données produites atteignent une tout autre échelle. Nous serons en situation d’analyser à posteriori les décisions et leur impact dans plusieurs pays.
Le PMV ou Produit Minimum Viable constitue pour un entrepreneur le « meilleur » (c’est à dire le plus simple, économique et rapide) moyen de tester ses principales hypothèses dans tout ou partie du marché qu’il vise. Ce n’est donc pas un prototype de son produit. Le Covid-19 crée les conditions pour transformer les marchés et génère, de fait, un nouveau système de mobilité radicalement différent. Quasiment tous les modes de transport, tous les « usages » sont impactés. Le Covid-19 vient de produire notre MMV ou Mobilité Minimum Viable. Finalement un volume non négligeable de mobilité n’était pas indispensable. Quand le Covid-19 modifie nos interactions sociales, il vient bouleverser l’organisation de nos activités qui, à leur tour, transforment nos mobilités. Le point de départ de toutes réflexions sur les mobilités est donc bien l’organisation de nos activités, les choix que nous faisons en amont. Désormais l’immobilité se quantifie via transit app. La capacité d’un territoire à pouvoir vivre correctement en appelant un minimum de Mobilité devient une qualité « évidente ». Malheureusement, cela n’a aucun rapport avec tous les indicateurs dont nous disposons. De même pouvoir déplacer des marchandises essentielles avec le minimum de moyens, de ressources, avec des modes de transport eux-mêmes les plus résilients vers les personnes les plus fragiles et dépendantes. Ces deux indicateurs renvoient immédiatement à l’urbanisme et l’organisation du territoire (densité, mixité, production alimentaire proche des habitants, etc), mais également à la cohésion sociale et sa capacité à agir collectivement. Combien de territoires sont préparés à vivre en situation de tension ? Combien travaillent leur anti-fragilité ?
Zoom (et son concurrent open source Jitsi) voit sa valeur croitre en flèche. Tous les modes partagés de type trottinettes sont sous tension, les transports publics aussi. Les pratiques du vélo révèlent les différences de cultures. Alors qu’en France le vélo a d’abord été mis de côté, il est clairement promu en Allemagne voire développé dans plusieurs villes comme Bogota avec 22 km de pistes créées dans la nuit. Du côté des marchandises, est-ce que le trafic aérien « restant » est celui de la logistique des produits de 1ère nécessité ? Que peut-on mesurer, quantifier, qualifier maintenant pour déterminer nos MMV et LMV (Logistique Minimum Viable) ? La qualité de l’air bien sûr, les flux, les places de stationnement vides, … ? (cette page si vous avez des idées) Que restera-t-il post-Covid ? Que pensions-nous qu’il allait rester du vélo post-grève ? Ces tensions sur nos quotidiens ne sont pas un détail, elles génèrent de nouvelles logiques individuelles qui conduisent à changer durablement les façons de faire. Finalement pourquoi organise-t-on des rencontres et échanges présentiels : que peut-on faire à distance, que doit-on faire en présentiel ? quelles sont les activités à faire dans l’entreprise que l’on ne peut pas faire à distance ? et si l’entreprise devenait le lieu pour faire tout sauf « travailler dans son bureau » ?
Pour explorer ces points de vue, cet article sur les imaginaires du voyage propose quatre visions basées sur les deux paramètres clés : la connexion ou la déconnexion, la mobilité ou l’immobilité. Après avoir développé un monde hypermobile, s’appuyant de plus en plus sur une connexion permanente, le Covid-19 nous fait découvrir toutes les facettes de l’immobilité connectée à travers un scénario appelé « Virtualise ME » porté par les entreprises numériques. Ce scénario révèle à son tour une dépendance et une fragilité avec d’autres réseaux, d’autres acteurs dans lequel la réalité et le virtuel ne vont cesser de s’entremêler. L’autre scénario, l’immobilité déconnectée ou « Inside ME », est conseillé actuellement : la méditation, sans doute le plus vieux voyage qui existe, pour explorer sa zone de confort. N’attendons pas, musclons nos compétences pour naviguer dans les quatre scénarios à plusieurs échelles : individuelle, collective, territoriale. Par exemple, ce projet lancé par la FabMob Québec sur la livraison bénévole par des cyclistes est particulièrement intéressant. L'open source et les communs démontrent actuellement leur incroyable capacité à fournir des briques de base combinables pour répondre de façon distribuée à des défis qui émergent.
Mi 2019, nous avions jeté les bases d’une Communauté des Hackers de la FabMob : il ne s’agit pas de traiter le Covid mais de s’exercer à réagir correctement au prochain stress, que nous ne connaissons pas. Chaque acteur individuellement mène des actions visant à améliorer sa résilience. C’est essentiel mais l'écosystème dans son ensemble doit aussi progresser en tenant compte des liens, connexions et dépendances de plus en plus entre les acteurs. Cette communauté vise à montrer par des exemples à la fois la fragilité des systèmes existants, l'importance de se former individuellement et collectivement. Nous proposons de développer une culture associée dans le domaine de la mobilité et de travailler sur les bases du chaos engineering. Cet article décrit les principes du Chaos engineering initié par Netflix. Les entreprises du numérique ont investi et développé des relations spécifiques avec les hackers notamment en développant des programmes dits de Bug Bounty. Le chaos engineering porte sur la préparation des personnes individuellement et collectivement à réagir à des évènements ou une série d’évènements imprévisibles plus ou moins aléatoires.
Il ne s’agit plus de prévoir l’imprévisible mais de s’entrainer à agir correctement, humainement dans le chaos. Que devient le chaos engineering dans les domaines des politiques publiques, de l’aménagement du territoire, de nos activités quotidiennes et essentielles, des réseaux énergétiques ou numériques ?