
Par bertrand duflosen September 2016 - contribuer
Le NHTSA, qui est l'administration fédérale américaine en charge de la sécurité des véhicules à moteur, vient de publier une première version des lignes directrices qu’elle entend faire respecter en matière de véhicule autonome.
Cette publication très attendue intervient dans un contexte de forte accélération du développement du véhicule autonome :
octobre 2015 : Tesla active la fonction 'Autopilot' de pilotage automatique sur ses voitures 'modèle S' sur autoroute.
août 2016 : nuTonomy lance son service de taxis autonomes dans une zone très limitée de Singapour.
septembre 2016 : Uber démarre à Pittsburgh un service de transport en véhicule autonome. (Pour nuTonomy comme pour Uber, un chauffeur reste présent dans chaque véhicule pour pouvoir à tout instant reprendre le contrôle du véhicule si nécessaire).
Volvo enfin va de manière imminente démarrer son test de circulation sur route ouverte en voitures semi-autonomes.
Parallèlement, les tests de navettes autonomes se multiplient, menés notamment par nos constructeurs nationaux Navya et Easymile, que ce soit en France (Citeaux, Lyon), ou à l'étranger (Australie, Pays-Bas, etc.).
Dans ce contexte de surchauffe et d'excitation croissante autour du véhicule autonome, la pression s'est donc accrue sur les Etats, auxquels il est demandé de modifier leurs législations de manière à permettre la circulation de véhicules autonomes. Aux Etats-Unis, différents Etats ont voté des lois ou sont en train d’examiner des projets de lois dans le domaine du véhicule autonome.
Les Lignes Directrices du NHTSA qui viennent maintenant d’être publiées ont donc comme premier objectif de définir une ligne commune en matière de véhicule autonome pour l’ensemble du territoire des Etats-Unis.
A ce stade, il ne s’agit que de Lignes Directrices, qui ne sont pas contraignantes. En revanche, le NHTSA projette de faire modifier la loi américaine pour rendre obligatoires certaines des dispositions envisagées si cela semble justifié.
Ces Lignes Directrices maintiennent le régime d'auto-certification en vigueur aux Etats-Unis (par contraste avec l’Europe où prévaut un régime d’homologation par type préalable) : Il appartient à chaque constructeur de respecter les règlementations en vigueur aux Etats-Unis (FMVSS ou Federal Motor Vehicle Safety Standards), le NHTSA exerçant une vérification de conformité a posteriori par des tests aléatoires, et ayant la possibilité d'imposer le rappel des véhicules qui seraient identifiés comme étant non conformes.
Cependant, le NHTSA donne aux constructeurs qui souhaiteraient lancer un véhicule autonome non conforme à certaines de ces exigences la possibilité de demander une dérogation à ces règles.
Les éléments principaux de ces Lignes Directrices sont les suivants :
Le dossier d’évaluation de sécurité
Le NHTSA recommande que les constructeurs ou autres organisations qui souhaitent mettre en circulation un véhicule autonome lui adressent un dossier d’évaluation de la sécurité du véhicule, détaillant les caractéristiques de celui-ci quant à quinze aspects considérés comme essentiels (ce dossier pourrait par la suite devenir obligatoire) :
Onze aspects transverses : enregistrement et partage des données (de conception et de test ), respect de la vie privée, sécurité des systèmes, cybersécurité, interface homme machine, résistance au choc, formation et information des consommateurs, enregistrement et certification, comportement post-collision, conformité à la législation fédérale, d’Etat, locale, considérations éthiques ;
Quatre aspects liés à l’automatisation : domaine de fonctionnement opérationnel, détection d’objet/d’évènement et réaction, marche dégradée (risque minimal), méthodes de validation.
Les Lignes Directrices ont le mérite de lister ces différents aspects. Inversement, elles ne contiennent pas réellement de dispositions explicites. Par exemple, concernant les méthodes de validation, elles se limitent à signaler la possibilité de réaliser des simulations, de procéder à des tests sur circuit, puis sur route ouverte. De même, en matière de certification logicielle, elles se bornent à évoquer les méthodes issues du domaine de la sûreté de fonctionnement, et citent les réseaux de neurones mais sans fournir aucune piste quant à une méthode de validation de ceux-ci.
Recommandations aux Etats
Un objectif important des Lignes Directrices est d'uniformiser le droit des différents Etats (des Etats-Unis) en matière de véhicule autonome. Chacun comprend en effet que si des droits des différents Etats comportaient des exigences disparates, cela pourrait fortement ralentir la diffusion des véhicules autonomes aux Etats-Unis.
Pour éviter cela, les Lignes Directrices comportent un certain nombre de recommandations à l'attention des Etats américains, précisant ce qui relève du droit fédéral et ce qui relève du droit des Etats.
Nouveaux outils et pouvoirs du NHTSA
Enfin, le NHTSA envisage notamment de passer du régime actuel d'auto-certification à un système d'homologation avant la mise du véhicule sur le marché, voire à une combinaison des deux systèmes.
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En conclusion, dans la mesure où elles ne sont pas contraignantes vis-à-vis des constructeurs, et où elles laissent toutes les options ouvertes sur le plan technique, ces Lignes Directrices ne semblent pas de prime abord modifier considérablement le paysage du véhicule autonome.
Cependant, en montrant l’implication du NHTSA sur le dossier du véhicule autonome et la volonté manifeste de faire progresser cette technologies, et avec le soutien de la Maison Blanche, la publication de ces Lignes Directrices place les Etats-Unis en bonne position dans la compétition réglementaire entre Etats et continents pour le déploiement de véhicules autonomes.
Enfin, comme ces Lignes Directrices sont publiées nettement après le premier accident mortel survenu en mai à bord d'un véhicule en mode de conduite automatique, la tonalité de ces Lignes Directrices semble plutôt suggérer que le NHTSA considère que les avantages attendus du véhicule autonome justifient la poursuite du développement de celui-ci, malgré l'accident survenu en mai et malgré ceux qui surviendront à l'avenir.
Pour rester dans la course en matière de véhicule autonome et éviter une multiplication néfaste des textes de lois en Europe, il serait infiniment souhaitable, sur cette rive de l’océan Atlantique, que l’Union Européenne réussisse à réaliser une démarche similaire à celle du NHTSA.