
Par Gabriel Plassaten November 2015 - contribuer
De plus en plus nombreux sont les projets s'appuyant sur des communs. Ce concept reste cependant obscur et peu concret pour des acteurs industriels. De nombreuses initiatives, comme Transition² ou POC21, explorent l'intérêt de l'open source comme levier d'innovation.
Un commun est une ressource mise en partage et alimentée par une communauté qui met en place une gouvernance pour la gérer et la protéger. Peu de communs peuvent fonctionner de manière isolée. Ils sont presque tous des hybrides dépendant dans une certaine mesure de l’État et/ou du marché. L'enjeu fondamental est alors de s'assurer que leur raison d'être demeure intacte.
source Simon Sarazin
En mettant au centre de sa proposition de valeur les communs (lire un précédent article La corde qui manque à l'arc du monde de la mobilité), la Fabrique des Mobilités explore une nouvelle forme de soutien à l'innovation. C'est un pari. Chaque commun est issu d'un collectif, éventuellement une entreprise. Ce collectif choisit d'externaliser une production (donnée, logiciel, matériel), propose des règles de gestion puis cherche à péréniser une communauté qui va l'utiliser. En l'utilisant, le commun se "valide", s'améliore, éventuellement se complète. Les règles peuvent également évoluer en permanence pour s'adapter à son nouvel "écosystème". Pour l'entreprise, ce commun lui a permis de s'alléger, de trouver des alliés pour le maintenir et le faire vivre, d'augmenter la transparence (auditable), la qualité (les meilleurs de chaque domaine y contribuent librement, les produits et procédés étant précisement détaillés sont facilement controlables). Pour la communauté rassemblée autour, ce commun assure une efficacité économique (pourquoi réinventer la roue, le chassis, etc… globalisons ce qui peut l’être, et localisons tout le reste) et la résilience (les plans sont disponibles et peuvent être repris, même après la fin des projets créateurs).
Les communs, un nouvel "objet lien"
La Fabrique rassemble déjà des partenaires ayant produits des communs comme UFO, Ampool (ex OSVA) ou Open Street Map. D'autres sont en train de nous rejoindre. Ces actifs matériels et immatériels vont constituer les principales richesses de cet écosystème si leur accès est facilité au plus grand nombre d'entrepreneur et si les règles de gestion des licenses sont simples et évolutives. Nous demandons également à chaque projet accompagné d'utiliser les communs disponibles et d'en produire de nouveaux. Du point de vue de l'intelligence collective, les communs sont des "objets liens". Ils sont essentiels pour créer des communautés d'intérêt qui se fédèrent "autour".
Le commun est l'externalité physique ou numérique d'un groupe qui lui permet de se voir lui-même fonctionner. En s'extériorisant, il lui offre ainsi un moyen au groupe de se "transcender". Le commun est donc "par nature" incomplet, fragile, améliorable, à l'image du groupe d'humains le réalisant. Par les actions nécessaires à sa mise en oeuvre et ses propriétés intrinsèques, le commun conduit à l'holoptisme (lire les articles) en permettant à chacun de s'ajuster individuellement tout en observant les conséquences sur le tout. Le commun industriel est équivalent à la musique d'un orchestre ou le jeu au ballon d'une équipe de sport. Pour cela, les équipes s'entraînent pour produire une "oeuvre" qui n'est visible que dans l'action collective synchronisée devant un "autre" – un public, un utilisateur, des clients. Supprimer le ballon, le public, ou la musique et plus rien n'a lieu. En conséquence, la production du prototype induit un entraînement individuel spécifique pour cultiver ses talents, son individuation & un entraînement collectif pour faire ensemble, pour apporter ses compétences tout en amplifiant et catalysant les compétences d'autrui.
Et si les financements étaient aussi ré-inventés ?
Innover en faisant levier des communs conduit à penser les projets sous la forme de plateformes ouvertes (les communs), d'applications (les livrables des projets) et de plusieurs communautés, celle des développeurs de la plateforme, des développeurs de l'application, des concepteurs des services s'appuyant dessus, celle des hackers et celle des clients finaux du livrable ou des services. Cette segmentation permet d'adresser la multitude de marché de niche. En ouvrant et en fonctionnant par sous-ensemble, les interfaces, les connexions deviennent stratégiques pour permettre des développements séparés. Ces contraintes conduisent à développer des interfaces et connexions facilement “standardisables”. La plateforme permet la construction de superstructures servicielles répondant à des besoins très variés qui ne sont pas spécifiables dans des approches traditionnelles. La diversité est alors adressée en partant localement.
Les financements publics pourraient alors se focaliser sur les plateformes ouvertes en donnant aux communautés le soin d'établir les règles de gestion et les licenses mais en garantissant des principes d'équipotentialité d'accès. Des acteurs publics comme l'Agence du Patrimoine immatériel de l'Etat pourrait devenir tiers de confiance dans la gestion des communs. Des financements privés pourraient également émergés soit spontanément soit conjointement aux financements publics. Des appels à financement de communs pourraient être lancés.
Pour en savoir plus :
Open : Vers de nouveaux modèles économiques & imaginaires de la transition écologique !