Une autre approche pour changer les mobilités dans les territoires (peu denses)

Par Gabriel Plassaten July 2018 - contribuer

Jusqu’à présent l’aide à l’innovation se conçoit par des mécanismes de sélection, des appels à projet sur la base de cahier des charges bien spécifié avec des entrées en général « technologiques ». La gestion du temps est alors une conséquence de cette approche qui attend les livrables à la fin des projets sélectionnés. Ce processus « en entonnoir » engendre en conséquence une réduction du nombre de proposition pour en expérimenter quelqu’une.

Cette approche présente plusieurs faiblesses :

  • Le besoin n’est généralement pas exprimable clairement par l’autorité et/ou le territoire,
  • Le temps joue contre le projet puisqu’il est essentiel de se recombiner en permanence avec les autres acteurs et projets du territoire qui évoluent eux aussi,
  • La sélection à priori sur la base d’un dossier n’est pas performante,
  • L’intégration dans le territoire dépend beaucoup des compétences existantes des élus et techniciens,
  • L’utilisation des ressources du territoire n’est pas maximisée.

La Fabrique des Mobilités fait l’hypothèse que l’open source et les communs permettent d’inventer de nouvelles approches, de fédérer des écosystèmes d’acteurs dans des environnements complexes, de produire des livrables utiles et finalement d’aider à la fois les acteurs individuellement mais aussi collectivement.

Cette note vise à résumer une autre approche de l’aide à l’innovation basée sur les communs dans les territoires pour accompagner les changements de pratiques de mobilités. Dans ce document, le mot entrepreneur signifie une personne (ou un groupe) du secteur public ou privé, qui entreprend une initiative, un projet pour changer un marché.

Une autre approche ...

La méthode vise à aligner les forces créatrices des entrepreneurs, en les plaçant sous des contraintes conçues pour atteindre des objectifs clairs et précis en les sélectionnant le moins possible à priori tout en favorisant au maximum la production et l’utilisation de communs.

Au lieu de faire des choix à priori, de s’obliger à choisir un seul chemin et faire l’hypothèse que les acteurs aujourd’hui en place sont les mieux placés pour conduire les changements, il est proposé ici une méthode qui vise à industrialiser l’exploration d’un maximum de scénario sous contraintes en partageant un maximum de livrables.

Pour « industrialiser l’exploration d’un maximum de scénario», une liste de ressources du territoire documentée en détail pourra être établie par tous les acteurs publics et privés (données ouvertes, logiciels, routes, véhicules, capteurs, compétences et connaissances …) et sera utilisable par tous les acteurs (entreprise, association, agence, …)  fonctionnant « sous contraintes ».

Trois types de contraintes (ou Conditions Générales d’Utilisation C.G.U.) pourront être établies at appliquées à tous ceux qui souhaitent utiliser les ressources identifiées :

  • Contraintes d’entrées : les ressources documentées ne pourront être utilisées qu’en suivant les guides, licences et limites décrits par le fournisseur de la ressource. Toute ressource mise à disposition fertilise l’écosystème, réduit les barrières à l’entrée et permet aux entrepreneurs d’élargir considérablement leur capacité d’action.
  • Contraintes d’objectifs : tous les projets devront chercher à résoudre des défis établis par le territoire. Ces défis seront présentés avec une liste d’objectifs chiffrés, clairs et opposables, les plus précis possibles : « d’ici 5 ans, sur tel et tel territoire, telle route, nous devons réduire de x% la congestion, émissions de GES ou encore la concentration en NOx et augmenter le remplissage des véhicules de x%, avoir x% de vélo sur tel parcours… »,
  • Contraintes de livrables : « Tout projet devra être documenté. Certains livrables auront des licences ouvertes ». Ce sont les ressources ouvertes qui servent à la fois de connecteur entre les acteurs, de traceurs des progrès en qualifiant leur développement et de richesses pour tous les acteurs. Les projets n’ayant pas réussis à atteindre les objectifs devront obligatoirement documenter cet échec et participer à des conférences dédiées.

Les pouvoirs publics accompagnés des associations et citoyens, se chargent d’établir en détail des objectifs crédibles et souhaitables à court et moyen termes, d’encourager les acteurs qui apportent des ressources ouvertes ainsi que les meilleurs projets. Ces objectifs détermineront la finalité des projets, permettront d’en exclure certains sans pour autant faire de sélection. Tous les acteurs seront également engagés dans la mise à disposition de ressources à condition de les documenter, d’établir des règles d’utilisations et de s’accorder sur l’ouverture des livrables.

Si une équipe d’entrepreneurs (publics ou privés) cherche à atteindre les objectifs tout en utilisant les ressources, en respectant les conditions et en produisant des livrables ouverts, alors son projet doit pouvoir être engagé, sans aucune sélection. Une hiérarchisation est effectuée en fonction de la capacité à être mis en œuvre immédiatement ou au contraire si le projet a encore besoin de ressources financière, humaine ou autre. Et ça change tout.

Personne ne décide qui a le droit ou si le projet est retenu. Il n’y a plus une unique stratégie, mais plutôt la production d’une multitude d’initiatives qui vont explorer des futurs sous contraintes permettant de produire une grande quantité de ressources ouvertes, utiles quel que soit l’avenir de chaque projet. L’écosystème est alors aligné sur des objectifs précis et obligé « by design » d’utiliser et produire des communs. La méthode utilisée renforce l’écosystème, sa fertilité, sa résilience, puisque nous ne savons à priori « ni qui ni comment ». Cette méthode a deux autres avantages : la rapidité d’engagement de nouveaux acteurs, projets et l’identification des principaux verrous.

Pour un territoire

Nous avons commencé à décrire cette approche pour un territoire sur le wiki de la Fabrique. Chacun est invité à compléter cette page, commenter ce document et à décrire des exemples de territoires qui la mettent en œuvre.

Une fois des communs identifiés et nourris par leurs communautés, une approche systémique permettrait de créer, à l’échelle d’un territoire, une densité critique d’entreprises inspirées, coordonnées et cohérentes pour faire bouger les comportements de mobilité.

Ainsi, par exemple, en quelques mois, sur une agglomération, émergent une multitude d’ajustement et de créations : un éclairage public « intelligent », des espaces de co-working et autres tiers lieu de rencontre / travail, un service de guidage piéton, un parc relais, des garages à vélo sécurisés « privés », une rénovation des arrêts de bus, des aires de covoiturage, un réseau de vendeurs / loueurs de vélos / trottinettes / solowheel, une entreprise locale d’autopartage, un fédération  et mise en avant des taxis et autres chauffeurs LOTI, une micro usine de fabrication de quadricycles électriques personnalisables, une agence de location de voiture et utilitaire en centre ville ouverte 24/24 7/7. Il s’agit de mettre en synergie plusieurs composants et compétences pour qu’émerge une nouvelle solution pertinente localement utilisant des briques standardisées donc réplicables.

Nous faisons l’hypothèse que les rendements croissants avec la taille, et son corollaire, l’absence de rentabilité sur le moyen terme (plus de 10 ans), fonctionne bien pour le pur logiciel. Dans la mobilité, dès qu’une « solution » se confronte au monde physique, il vaut mieux penser en termes de réplicabilité (rendements constants bornés) qu’en termes de scalabilité (rendements croissants) avec des rendements potentiellement forts mais pas forcément croissants, et des coûts fixes contenus, que l’on peut espérer couvrir à partir d’une certaine taille raisonnable, sans aller à la singularité ou le monopole global.

Nous proposons d’accompagner l’émergence d’un écosystème conscient et bienveillant, principalement par des communs transversaux et nécessaires à la créativité d’une multitude d’industrie (PME à groupe) ayant des capacités à démultiplier dans les territoires une combinaison de solutions. La qualité d’un écosystème industriel pourrait se comparer à celui d’un biotope : diversité, complémentarité, variété de taille d’acteurs et de compétences, qualité et quantité des interactions faibles, holoptisme. Plusieurs actions ont été identifiées à destination des collectivités pour créer un terreau fertile à l’innovation. Elles sont décrites sur cette page.

En complément des licornes, il y aurait donc une autre voie.

Schéma d’organisation

Défis : Connaissez vous (vraiment) les problèmes à résoudre dans votre territoire ? quels objectifs chiffrés à 12-24 mois ? quels métriques ? Plusieurs territoires ayant identifiés le même défi,des objectifs similaires peuvent se coordonner pour devenir un marché de taille intéressant pour des entrepreneurs :

  • Collectivités, associations, citoyens
  • Liste de défis détaillés qui vont mettre en tension les projets d’entrepreneurs,
  • Objectifs chiffrés, précis et mesurables à 12, 24 mois

Ressources : Indexer et mettez en valeur vos ressources pour maximiser leur valeur en interne et par des entrepreneurs externes. Chaque ressource est à associer à des CGU :

  • Collectivités, Associations, Entreprises partenaires
  • Ces ressources deviennent des opportunités qui vont attirer les projets,
  • Compétences, données, logiciels, matériels, infrastructures

Lean startup revisité pour des projets de mobilité dans des territoires

  1. Appel à projets : quels défis visés + quelles ressources utilisées + quels résultats à 12-24 mois
    1. Liste de projets, hiérarchisation par la rapidité de mise en œuvre, besoins
    2. Mise en communauté si besoin
    3. Cofinancement ciblé si besoin
  2. Expérimentations en continue. Les livrables :
    1. Obligatoires : documentations des projets, bilan par rapport aux objectifs, conférence des échecs,
    2. Options : production de produits/services utiles et performants, évolution des CGU
    3. Co-produits : nouvelles ressources ouvertes, développement de nouvelles compétences (soft skills) et de nouveaux liens dans l’écosystème

Vous souhaitez poursuivre ce travail, mettre en œuvre dans un territoire pionnier ? lien vers questionnaire

Références